Au Burundi surtout dans la capitale Bujumbura en plus de taxi voitures et de taxi motos il existe aussi de taxi vélos, une activité qui fait vivre ou plutôt «survivre» pas mal de gens. Quoi que l’histoire se déroule en Afrique noire (au Burundi), la transformation de «Taxi-vélo» en «taxi-Love» dont il est question dans «Taxi-Love», un film de Francis Muhire et Jean Marie Ndihokubwayo n’a rien à voir avec la magie noire. Ce court métrage raconte d’un coté l’histoire d’une petite famille normale, homme de profession taxi-vélo, un fils écolier qui remplace son père malade, une petite fille qui reste à la maison vendant quelques tomates, ndagala, piment et oignons sur une petite table posée devant leur petite maison, une vie monotone…
De l’autre coté, il s’agit d’une histoire d’amour, un conte de fée, dans lequel le prince charmant n’est pas riche blond aux yeux bleus sur un cheval blanc. Cette fois le prince charmant est pauvre, un petit, garçon comme tant d’autres d’un quelconque quartier pauvre de Bujumbura, et il essaye de survivre en pédalant son vélo, non par plaisir, il n’a pas de choix. La sienne n’est pas une activité sportive pour se mettre en forme, mais plutôt, une lutte, un combat pour la survie. Pas d’autre choix, le fils doit enfourcher le vélo de son père et pédaler. Entre aller à l’école et ne pas manger, le choix est très simple et clair. Taxi-vélo.
Dans ce cadre sombre triste et douloureux, le petit prince noir aux yeux noirs et surtout à vélo (pas sur un cheval blanc) n’est pas à imaginer que cette activité momentanée va occasionner une rencontre heureuse qui va illuminer sa journée, transformant son activité de «Taxi-vélo» en «Taxi-love». Finalement tout n’est pas perdu. Il y a toujours de l’espoir.
Ce court-métrage de Francis Muhire et qui ne mise pas sur le passé douloureux de l’histoire récente du Burundi et qui ne relate pas la cruauté d’aucun génocide, mais qui parle plutôt de la vie quotidienne d’une certaine portion, d’un certain lieu du pays a été tellement apprécié au Festicab 2010 qu’il a reçu le «Grand Prix de la meilleure œuvre burundaise”. En outre le film vient de participer à la 22e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) sans toutefois gagner de prix, quoi que tous les ingrédients d’un film de succès étaient au rendez vous.
Nous avons rencontré Francis Muhire scénariste de cette «love story» des quartiers pauvres de Bujumbura. Francis Muhire, jeune talent pluridisciplinaire ( chanteur, auteur compositeur, musicien, acteur, scénariste, écrivain) à surveiller de près.
Adolphe B.:Nombreux vous connaissent comme chanteur musicien et écrivain mais pas comme acteur-scénariste. Quel a été votre parcours dans le monde du cinéma?
Francis Muhire: Ma première expérience avec le cinéma a été dans un court métrage intitule: « Dis moi qui tu es? » d’une certaine Ginette MAHORO. Je jouais le rôle d’un refugié congolais qui trouve l’amour au prés d’une jeune burundaise. Mais bien avant, j’étais déjà acteur de théâtre dans la troupe Pili-pili. Après j’ai tourne dans quelques épisodes d’une série télévisée intitulée: « Les Intolérants». de Patrice Faye. J’acquis donc ainsi l’habitude d’être devant les camera à travers le cinéma, mais aussi à travers quelques nombreux pub TV que je faisais. C’est juste après avoir reçu le prix littéraire « Michel KAYOYA », que Jean Marie NDIHOKUBWAYO me demanda d’écrire un scenario dont il se chargerait de tous les moyens de tournage et reproduction. C’est ainsi que «Taxi-Love» vit le jour.
Adolphe B.: «Taxi-love» c’est du vécu ou c’est juste une fiction?
Francis Muhire:«Taxi-Love» est une fiction mais il faut bien savoir que toute fiction trouve son origine dans une forte réalité socio-politique. Mais j’estime tout au fond de moi que c’est aussi un peu du vécu, du moins d’une façon indirecte, puisque j’ai maintes fois utilisé le taxi-vélo dans mes déplacements. Je me sens donc un peu lié aussi à ce quotidien de transporteur de passagers à vélo.
Adolphe B.: En regardant le film on a l’impression qu’il décrit ou fait référence aux quartiers nord (Kamenge, Kinama, Cibitoke…). Où a été tourné exactement le film?
Francis Muhire: Le lieu de tournage est effectivement situé dans les quartiers nord de la ville de Bujumbura. Une partie du film a été tournée à Kamenge (le début et la fin), et une autres sur une avenue de la commune Cibitoke. Le choix de ces lieux de tournage est très simple du fait que c’est dans ces quartiers que se côtois la majorité des taxi-vélo. Etant moi-même un ressortissant de Kamenge, je connais donc les quartiers nord de Buja, mais aussi je suis un témoin de la vie quotidienne de la population de ces quartiers. Y tourner donc un film est pour moi une façon de revaloriser ces quartiers souvent ignorés ou mal connus de la ville de Bujumbura.
Adolphe B.: Vu le succès des films comme «Na wewe» ou «histoire d’une haine manquée» des films qui touchent l’histoire politique récente du Burundi, pourquoi n’avez-vous pas à votre tour écrit un scénario qui relate la situation socio-politique des quartiers comme Kamenge durant la période de guerre? Pourquoi le scénario de «Taxi-love» et pas un autre? Qu’est ce qui vous a inspiré?
Francis Muhire:«Taxi-Love» a d’abord été pour moi une première expérience et qui, Dieu merci, s’est révélée concluante. Mais aussi je voulais toucher une certaine réalité sociale. En fait, ce sont les dures conditions de vie de la population des quartiers Nord de Bujumbura qui m’ont vraiment inspirées « Taxi-Love ». Toutefois, je compte bien à l’ avenir tourner quelques court métrage en rapport avec l’histoire récente du Burundi. Je compte d’ailleurs bien remonter même plus loin et partir de 1972, et essayer de raconter l’histoire de deux enfants qui s’aimaient à cette époque et qui vont être brutalement séparés pour se retrouver en 2011, vieux et vieille. Le titre pourrait bien être 7211. Mais aussi je suis très tenté par l’histoire de Kamenge, et un documentaire serait plus approprié. Je compte même commencer à y travailler avec Jean Marie NDIHOKUBWAYO.
Adolphe B.: «Taxi-Love» se termine par du suspens qui fait poser des milliers des questions. Qu’en sera-t-.il du père de famille? Va-t-il guérir? Et le petit garçon? Va –t-il reprendre le chemin de l’école? Que s’est il passé après la rencontre amoureuse? Quel sera la suite? Avez-vous pensé à poursuivre le scenario? A quand «Taxi-Love 2»?
Francis Muhire: La fin de «Taxi-Love» laisse bien sur un questionnement, sur un suspens. Mais c’est effectivement un des caractéristiques même du court métrage, du seul fait que tout ne peut se dire en quelques minutes, si non cette appellation de court métrage perdrait même de son sens. Et dans le cinéma moderne, on a très peu tendance à vouloir tout expliquer. On cherche plutôt à ouvrir les horizons dans une perceptive où le téléspectateur pourra user de son imagination quant à n’importe quelle probable issue finale de l’intrigue. Seule l’atteinte de l’objectif par le héros compte plus que tout.
Adolphe B.:«Taxi-love» a été nominé au FESPACO 2011, Comment a- il été accueilli au Burkinafaso? Quel est le bilan de «Taxi-love» au Fespaco 2011?
Francis Muhire: Bien que n’y ayant pas été prime, «Taxi-Love» a connu un succès des moins négligeables au FESPACO 2011. Des séances de débats autour du film ont été organisées dans lesquelles le public cherchait vraiment à comprendre le vécu des taxi-vélo. Pour une première fois donc, j’estime que c’est un bon début, et à l’avenir «Taxi-Love» pourrait apparaître dans la programmation des festivals de film européen.
Adolphe B.:«Taxi-love» est il distribué? Comment s’en procurer? Pourquoi n’envisagez vous pas la distribution ou la vente digitale (téléchargement VOD) vu que la diaspora burundaise voudrait bien voir ce film?
Francis Muhire:«Taxi-Love» n’est pas, malheureusement, distribué. C’est un film qui est au départ destiné aux festivals, et non à la vente. Mais pire encore, c’est que même si on voulait distribuer «Taxi-Love » au Burundi, on ne saurait vraiment pas le faire suit à un manque criant de circuit de distribution des produits artistiques. Quant à sa vente digitale, on est bien ouvert à toute proposition qui irait dans ce sens. Faire voir nos créations est un de nos soucis.
Adolphe B.:Faire un film (si court soit il) demande des moyens financiers importants. Qui a financé le projet?
Francis Muhire: Nous n’avons eu aucun financement de l’extérieure. Les moyens de production et de tournage ont été pris en charge par Netty Communication de Jean Marie NDIHOKUBWAYO. Mais aussi, à l’époque du tournage, j’étais encore étudiant, donc une bonne partie de ma bourse d’études est passé dans les petits frais de tournage nécessaire (Restauration, déplacement acteurs, frais de communication téléphonique,…). C’est une des faiblesses du cinéma burundais, et africain en générale.
Adolphe B.: Le cinéma burundais est entrain de naitre et d’évoluer petit à petit. Vous qui êtes dans ce monde de quoi avez-vous besoin pour accélérer le pas et rattraper le retard sur les autres pays africains et du monde?
Francis Muhire: Nous devons à mon avis et en premier lieu, être suffisamment formé sur les différents métiers du cinéma. Nous devons aussi travailler à valoriser nos propres histoires, racontées à notre manière de façon à véhiculer l’image du Burundi. Ainsi peut être nous pourrons même attirer de grosse productions internationale. Mais aussi, il ne faut pas oublier que le cinéma est une activité créatrice d’emploi, donc qui aussi a besoin d’un bon climat politique et sociale pour la bonne marche des affaires en générale.
Adolphe B.: «Taxi-love» a déjà reçu un prix au Festicab 2010 (Grand Prix de la meilleure œuvre burundaise). A quand un oscar? Quels sont vos projets pour l’avenir? Il y a t- il des projets en chantier.
Francis Muhire: L’aventure «Taxi-Love» ne s’arrêtera pas là. Nous comptons bien l’inscrire dans de nombreux autres festivals à travers le monde. Personnellement, je viens de terminer un scenario qui, si tout va bien, pourrait se tourner l’année prochaine. Jean Marie aussi vient de finir le tournage d’un court métrage pour le FESTICAB 2011. Nous ne croisons donc pas les bras, nous sommes bien conscients que la chance burundaise ne suffit pas seulement d’être tentée, mais plutôt provoquée, voir forcée.
Adolphe B.: Merci pour l’entretien.
Francis Muhire:C’est plutôt moi qui vous remercie.
Propos recueillis par Adolphe BIREHANISENGE.
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Hello MUHIRE,je voudrais vous addresser mes felicitations les plus sinceres pour ta realisation.Courage et que Dieu vous accompange!!