Les masques héritage séculaire de nos ancêtres, vestiges de leurs forces créatrices et de leurs spiritualités. Au moment où je vous écris ces lignes beaucoup de nos frères complètement lobotomisés par des croyances importés rejettent avec une véhémence accrue ces témoins manifestes de nos origines, car selon eux, célébrer les masques ou autres croyances liées à nos traditions serait adorer les forces du mal et empêcherait d’accéder au royaume du Christ ou de Allah.
Le regard que je porte sur la question est celui d’un jeune contemporain fatigué de l’hypocrisie et de l’exploitation liées aux questions de la foi sur le continent ; comme si cela n’était pas assez de supporter les religions quasi institutionnalisées dans nos pays comme le catholicisme, l’Islam ou le protestantisme, viennent s’ajouter les « églises de réveil » qui ont poussé ces dernières décennies en Afrique comme des champignons, profitant ainsi du vide laissé par les « interdits » des pratiques religieuses autochtones pendant et après l’époque coloniale. Nous avions tous suivi avec beaucoup d’intérêt la fermeture de plus de 6 000 lieux de culte au Rwanda suite aux décisions du président Paul Kagame, je ne suis pas un inconditionnel supporter des actions de Kagame, mais cette décision vient à un moment où la jeunesse africaine cherche des modèles de foi plus adapté à ses réalités, plus proche de ses essences et en harmonie avec le monde.
La bonne nouvelle est que malgré les rides de l’histoire, l’Afrique continu de célébrer ses spiritualités, de Sao Tome à la Casamance en passant par Bafoussam au Cameroun et Oyo state au Nigeria. Ces spiritualités renaissant de leurs cendres se sont lentement retrouvées en formant des tentacules au fil du temps et des souffrances des populations de l’Afrique de l’Ouest.
Les croyances africaines de nouveau à l’actualité
La nouvelle génération Africaine, en quête de ses origines se pose des questions et s’intéressent de plus en plus aux religions originelles de l’Afrique. Les débats philosophiques et intellectuels sur la question battent de plus en plus leurs pleins sur les réseaux socio et aide la jeunesse à voir clair dans ses préoccupations. Le Géologue et Égyptologue Camerounais Mbog Bassong est l’un des virulents orateur que la communauté des internautes africaine suit avec beaucoup d’intérêt, il explique qu’il est primordiale pour les Africains de se retrouver à travers leurs croyances et que la question de la religion en Afrique est plus « une question anthropologique et scientifique », tout comme dans l’Égypte Antique à travers Râ, Maat, Horus, qui se définissent comme « des principes scientifiques » explique-t-il .
Quelques rares politiques en Afrique se saisissent également de la question de croyance pour en faire une condition sine qua non du développement culturel et économique : c’est le cas du président Patrice Talon du Bénin qui demande depuis pratiquement le début de son mandat présidentiel le rapatriement des musés Français vers le Bénin des masques, des statuettes et objets de cultes volés pendant la période coloniale pour relancer le secteur touristique au Bénin.
Les noirs de la diaspora des Antilles, des Amériques et de l’Europe en quête de leurs origines, contribuent aussi implicitement à la relance de l’importance de la question liée à la tradition ancestrale de l’Afrique ; leurs intérêts pour les Orishas (Ndlr : le terme est beaucoup plus usités par les noirs de la diaspora pour désigner les divines masquées africaines) ou le culte « Gnigblin » (ndrl : pratique vaudou entre le Togo et le Ghana) , par exemple fait réfléchir les autochtones sur le bien fondé de leurs religions, pour eux et leurs descendances éparpillées sur les quatre coins de la planète.
Une dynamique société de masques en Afrique de l’ouest.
La société des masques au Benin est de loin l’une des mieux organisée dans le golfe du Guinée, avec des tentacules un peu partout dans la sous-région, ses idées s’articulent autour des masques mais aussi la vertu des plantes médicinales. Les Orishas y sont célébrés comme Shango, Zangbéto, Ogun-gun entres autres. Cette façon de célébrer les masques tient son origine du grand empire de Benin qui s’étendait jadis entre les frontières actuelles du Nigeria et du Benin. C’est une croyance yoruba (population majoritaire au Sud du Nigeria, qui a migré par la suite vers le Benin et le Togo) très répandue en Afrique de l’ouest.
Dans nos souvenirs d’enfance, on se rappelle combien la sortie des Masques Ogun-gun est une véritable fête de quartier, les enfants et les aînés faisaient tout pour éviter le contact de leurs tuniques lorsqu’ils dansaient et pour cause : On peut être pris en transe et rentrer en contacte avec l’au-delà. Le fait de fleurter ainsi avec le danger en courant derrières les Egun-gun fait monter l’adrénaline, parallèlement à l’ambiance de danse et de fête. Les Ogun-gun représentent en fait la voix des défunts, c’est pour cette raison qu’aux cours des cérémonies rituels on a l’impression d’entendre ces espèces de voies d’outre-tombe. Le masque Gélédé représentant une femme portée par des hommes y sont aussi souvent célébrés et permettent aux initiés d’exorciser les mauvais sorts et régler entre autres les problèmes liés á la procréation mais aussi des calamités.Ceux qui ont grandi dans les quartiers populaires de Lomé, de Cotonou ou de Porto Novo peuvent témoigner des châtiments que réserve Hebioso ou Shango (dieu du tonnerre et de la pluie) aux voleurs et bandits de grands chemin, démasqués et souvent frappés par la foudre , cela arrive souvent si la victime confiait ses malheurs au dieu Shango.
La célébration des masques est devenue pour certains pays en Afrique une affaire nationale et une occasion en or pour la relance du secteur culturel, mais aussi une façon de faire de l’intégration sous-Régionale une réalité : C’est le cas du festival des Masques et des arts de Dédougou (Festima) au Burkina Faso qui a eu comme parrain cette année le ministre Ivoirien de la culture et de la Francophonie Maurice Bandaman Kouakou. Au cours de ce festival d’autres pays comme le Benin, le Togo, le Mali, le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont aussi fait des démonstrations de leurs masques.
Les Masques sont également célébré au Mali aux festivals Markala (Fesmamas) de Bandiagara, bien que ces deux festival n’arrivent pas á trouver des financement nécessaire pour décoller , ils demeurent de grands rendez-vous culturel incontournables.
La question de réconciliation nationale se règle en Côte d’ivoire par exemple à travers les festivals de masques, à l’image de celui de Gueheva dans la commune de Man, une occasion de rassemble les masques Senoufo, Gouros , Bétés, Yohourés, ou Ouan.
Le festival Nyang-nyang en pays Bafoussam au Cameroun célébré chaque 2ans est en réalité un moment ou les peuples Baleng et Bafoussam célèbrent le passage des plus jeunes en âge adulte, les festivités durent en quatre mois et coïncident avec la période des récoltes.
Image à la une :
Artwork de Giovanni Anthony / AKM