Sortie le 5 Juin 2020 l’album Football Club Paysan de Armel Konkobo alias Art Melody sonne comme une invitation à la découverte du monde paysan. Cette dernière aventure musicale, à en croire l’intéressé fait aussi référence à cette équipe de beatmakers, d’ingénieurs de son, de managers et d’artistes qui partagent avec lui son amour pour la musique et la terre. Tentacule Records, le label Bordelais qui a toujours accompagné le rappeur a voulu s’associer à Miaou Records pour produire ce disque qui défrait déjà les chroniques dans le milieu Rap Africain.
La crise sanitaire du covid-19 a laissé un goût amer à Art Melody et ses fans en Europe qui l’attendaient sur des festivals courant Mai-Juillet 2020 ; une tournée qui devait lui permettre de faire la promotion de son précédent disque Zodoo (amitié en mooré) et partager des scènes avec des artistes prestigieux comme Tiken Jah Fakoly, Femi Kuti, Kokoroko ou encore Oxmo Puccino. Loin de se laisser décourager, le MC au voix rocailleux nous revient avec ce nouveau disque où il réitère le concept [Art]griculture, entendre par là « agriculteur le jour et rappeur la nuit », un nouvel état d’esprit qu’il avait préalablement annoncé aux Transmusicales de Rennes en Décembre 2019.
Un MC fier de ses origines paysannes
Art Melody renoue avec ses origines paysannes sur cet album, rejoignant ainsi la philosophie du père de la révolution Burkinabé, Thomas Sankara qui a su insuffler aux Burkinabé cet état d’esprit de « produire et consommer locale » et ceux malgré l’inondation du marché Africain des fameux riz Thaïlandais.
L’artiste ne se contente plus d’être engagé à travers ses textes, il veut mettre la main à la pâte. C’est ce qu’il a voulu dire à l’équipe de TV5 Monde qui est venue l’interviewer l’année dernière dans sa ferme à Pabré situé à une vingtaine de kilomètres de Ouagadougou : « je chantais des chansons et je me rendais compte que je ne faisais pas ce que je disais », pour lui il est donc temps de passer de paroles aux actes. La posture de Art Melody est donc noble, elle donne goût à la nouvelle génération à s’intéresser au travail de la terre.
Sur cet album, Art Melody nous explique qu’il a choisit d’insérer dans ses chansons des adages populaires en mooré pour directement impacter sur les Burkinabé ; comme sur Som Zita, lorsqu’il chante : « …On ne peut semer le mil et espérer récolter du maïs…» ou bien encore qu’il faut « balayer la maison pour éviter les insectes », une manière pour lui de dire que le bienfait se mérite.
Aujourd’hui père de deux enfants, le rappeur veut léguer des valeurs fortes à la nouvelle génération afin qu’elle ne tombe pas dans les mêmes pièges que les aînés qui l’ont précédé. Art Melody est bien placé pour tenir ce discours, car le rêve de l’eldorado Européen, il l’a expérimenté il sait maintenant qu’il vaut mieux construire la base pour éviter les désillusions. Il ne faut surtout pas se méprendre, il faut enterrer les égos car le développement doit être participatif comme le souligne les paroles en mooré sur Yam yiid m’zoa « … un seul doigt ne peut pas ramasser la farine, si seul tu es fort, à plusieurs on est encore plus fort… ».
Sur le titre Tond sin vii wan, Art Melody informe ses concitoyens sur comment la mauvaise gestion des infrastructures peut écorche les habitudes : « En Afrique la tradition veut qu’on accueille l’étranger avec un verre d’eau. Mais il y a trois mois la digue du barrage [1] a lâché et l’eau s’est échappé, toute une saison d’eau volatilisé. Même plus une goutte dans nos jarres », chantait-il. Ce dernier dénonce aussi, le fait que « les dispensaires n’ont plus de médicaments », ce qui entraine des décès. Faudra t’il comme le réclame une frange partie de nos populations en Afrique, se tourner vers la médecine traditionnelle pour une solution plus adapté à nos problèmes de Santé? Une chose est sûr, les plantes médicinales ont définitivement fait leurs entrée dans les débats en Afrique depuis la crise du Covid-19 et c’est de bonne guerre que Art Melody cultive dans sa ferme à Pabré l’artémisia[2], le Moringa et le kinkéliba, des plantes fortement utilisés dans la médécine traditionnelle en Afrique de l’ouest.
Si le morceau Bour-bour invite à ne pas se fier aux calomnies, le titre Lost king est plus incisif et plus regardant sur la gestion chaotique des politiques de l’après insurrection de 2014 au Burkina Faso.
Un Blues militant, mais également filial
Pa Nanna Yè l’un des titres Blues sur l’album FC Paysans exprime le dégoût et l’amertume face aux crises répétitives sur le continent Africain. C’est comme ce terrorisme dans le Sahel que le Burkina a du mal avec ses voisins du sahel à endiguer. Pourtant il est difficile de croire que la crise est strictement identitaire ou communautaire. On se demande aujourd’hui encore qu’est qui nous a échappé ? Comment avons-nous pas vu le danger arrivé ? A toutes ces interrogations vient s’ajouter la réalité selon laquelle nos armées n’étaient pas prêtes pour affronter une telle situation.
Hélas, ce n’est plus l’apanage d’un pays, la crise se généralise en Afrique constate Art Melody « Togo, Cameroun, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, les problèmes se ressemblent », chante Art Melody.
Le Blues de Art Melody sur ce nouvel album n’est pas que politique, elle est aussi filiale à travers le morceau Gomdé où le MC exprime sa reconnaissance envers sa mère, ses sacrifices consentis pour lui transmettre des valeurs fortes. En parlant de sa mère, c’est implicitement à toutes ces mères en Afrique mais surtout celles qui se battent quotidiennement avec leurs familles dans les milieux ruraux que Art Melody met à jour.
Côté style, l’album FC Paysan reste fidèle aux fusions hip hop retro futuriste unique dont Art Melody est le porte flambeau avec ses complices beatmakers Redrum (Zoodo, Wogdog Blues) et Form (Newton Colours, Too Many T’s). Sur ce disque on remarque également la contribution du New Yorkais Afrikan sciences qui signe l’hypnotique morceau Afrika, une collaboration qu’on espère vivement se répéter.
L’album FC Paysan est disponible sur toutes les plates formes numériques.
[1] Au Burkina Faso les barrages et les retentions d’eau sont très présents et étaient initié depuis l’époque de Thomas Sankara.
[2] L’artémisia Vulgaris est une plante qui pousse dans les pays tempérés. Très reconnu dans la lutte contre le paludisme (voir les tests du docteur Jerôme Munyang) et récemment utilisé comme ingrédient du médicament Covid-Organics, venté par le président Malgache Andry Rajoelina.