Le 25 septembre dernier, était sortie l’album « La parole est mon arme » du rappeur Burkinabé Joey le Soldat (Waga 3000). Une production riche en sonorité, fruit de collaboration de talentueux beatmakers Redrum et Dj Form. Cette première « carte de visite » de l’artiste vient confirmer ses talents mais également son engagement, puisque l’album rend hommage à Norbert Zongo, directeur du journal l’Indépendant, sauvagement assassiné le 13 décembre 1998.Après les albums Art Melody, Zound Zandé, To Bigaa (Art Melody), Waga 3000,le label à la pieuvre (Tentacule-R), vient signer une œuvre qui mérite bien sa place dans ce riche parcourt. Nicolas Guilberg, le patron de ce label Bordelais nous éclaire sur la réalisation de ce disque.
>Par Mensan Videha (Fo-mê)
En écoutant « la parole est mon arme », l’album de Joey le Soldat, on sent un travail d’équipe tout à fait admirable. Entre Ouaga et Bordeaux comment a-t-il été réalisé ?
Nous avons sélectionné des morceaux instrumentaux de Redrum et Dj Form que nous avons envoyé à Joey le Soldat. Il a écrit de son côté. Puis quand il a été prêt, nous avons fait appel à l’ingénieur du son DJ Gold pour faire la prise de voix sur 4 jours à côté de Ouagadougou. Puis on a mixé et masterisé sur Bordeaux. C’est le deuxième album que nous faisons comme ça. Le précédent était l’album de WAGA 3000.
Qu’est ce qui a été déterminant en ce qui concerne la production de cet album ?
J’avais été très impressionné par le travail de Joey Le Soldat sur l’album de WAGA 3000. Je voulais lui donner une chance de pouvoir s’exprimer en solo sur un album. On a donc décidé avec notre structure Tentacule Records de financer cet album. On est très content du résultat même si on pense déjà à en faire un autre avec lui, pour affiner l’écriture, le mixe et le style de ce rappeur qui à un énorme potentiel.
La participation du beatmaker Redrum à cette aventure musicale a donc une raison artistique particulière ?
REDRUM est à la base de l’aventure de la structure Tentacule Records. C’est lui qui avait produit le morceau TO BIIGA sur le premier album de Art Melody. C’est un beatmaker hyper talentueux et très exigeant. Pour le moment, nous travaillons avec trois beatmakers Hip Hop: Minimalkonstruction et Redrum pour des sonorités Soul, Jazz et Funk et Dj Form pour des sonorités plus Electro. Leurs connections avec Art Melody et Joey le Soldat les amènent à travailler aussi des ambiances plus africaines ou Afrobeat.
En décidant de dédier cet album à Norbert Zongo, le journaliste Burkinabé, directeur du journal l’Indépendant, et sauvagement assassiné le 13 décembre 1998, cela renforce encore plus l’étiquette le coté militant de votre artiste, donc forcément censuré par certains médias au Burkina, cela ne vous effraie pas ?
Oui ça m’effraie. J’y pense très souvent. Quand nous avons sorti le premier album de Art Melody nous lui avons posé la question justement. Sa réponse a été simple. « La verité rougit les yeux mais ne rend pas aveugle ». Ces deux MC’s sont des vrais artistes engagés dans un combat à la vie à la mort. Leurs textes sont bruts. Ils se considèrent comme les disciples de Sankara et Norbert Zongo. Comme eux ils sont «prêts à payer le prix» comme dit Joey Le Soldat dans un de ses textes.
Revenons aux prods, signé majoritairement par Redrum et Dj Form qui en a juste fait qu’un, c’est fait exprès ?
Non ça c’est fait comme ça. Ça pourrait très bien être le contraire la prochaine fois.
Vous coordonnez simultanément, l’album et le film documentaire sur Art Melody et le prochain Waga 3000, comment arrivez-vous à vous en sortir, vu la difficulté actuellement de trouver des investissements dans le milieu musical ?
Nous n’avons quasiment aucune subvention. Nous produisons tout nous même avec notre propre argent. C’est un choix personnel que certains ne comprennent pas. C’est pas grave. La derniere fois on m’a dit que je faisais de la « musique-sociale »… C’est moche quand même.
Pour revenir aux investissements, on a mis en place un système de co-production pour financer le doc et le l’album de Art Melody. On a récolté 3000 euros.
On a aussi des copains ou la famille qui croient en notre travail et qui nous font des dons pour payer un billet d’avion par exemple. Les structures Akwaaba Music, RFI et Banzai Lab nous ont aussi beaucoup aidé.
A Ouaga on reproche à Tentacule-R de ne pas souvent faire la promotion de ses artistes au pays, que répondez-vous à ça ?
Nous n’avons aucun moyen financier pour faire la promotion de nos artistes au Burkina , en France ou dans le reste du monde. Et même si nous avions les moyens de le faire nous utiliserions je pense l’argent autrement. Nous utilisons un maximum les réseaux sociaux et internet pour diffuser la musique de nos artistes. Après nous avons de la chance, nous sommes arrivés à chaque fois à trouver des partenaires (comme RFI, les labels Akwaaba Music et Banzai Lab) plus importants qui nous permettent d’agrandir notre champs de promotion et diffusion. Malheureusement au Burkina, toutes les propositions qu’on nous a faites sont des propositions «intéressées»…et ça (les artistes et nous) on refuse de se lancer là dedans. Mais je ne désespère pas de rentrer en contact avec un bon manager ou des radios sur Ouaga qui voudraient diffuser la musique de Art Melody et Joey le Soldat pour « de bonnes raisons » ( y’en a quand même qui le font !). Ils peuvent nous écrire, on leur enverra les sons mais pas question de « lâcher un billet » pour être diffuser. Aux diffuseurs et promoteurs de prendre leurs responsabilités. Les albums et les artistes sont là et n’attendent que ça ! Le passage d’un morceau à la radio doit être un acte sensible et/ou politique sinon que les radios continuent à passer du Floby si ça leur va bien comme ça, nous aussi.
Vous qui produisez des artistes Africains véhiculant un certain message panafricain, avez-vous justement l’impression que ces messages ont de l’écho auprès du public ? et avez l’impression que l’Afrique évolue malgré tout ?
Je crois que les artistes à travers leur musique peuvent contribuer à déclencher des états de conscience chez les gens leur permettant de se mettre en mouvement ou de réfléchir à certaines choses. Concernant le panafricanisme l’idée est là, forte et belle. Mais il faut que tout le monde bouge en même temps: politiciens, artistes, intellectuelles, hommes et femmes au quotidien. « 1000 poussins font peur à 1 épervier» c’est ça non la phrase de Norbert Zongo ?
Quels sont vos projets à court et à long terme avec vos artistes ?
On est en train de mixer le nouvel album de Art Melody et faire le documentaire sur ce dernier. Les intrus du prochain WAGA 3000 sont prêtes aussi, on va essayer d’avancer là dessus avec Dj Form. Art Melody et Joey le Soldat devraient venir en France en novembre pour une série de concerts en live band et DJ Set. Que ces artistes viennent jouer en Europe est une priorité absolue pour nous. Ensuite on voudrait à plus long terme sortir l’album solo de Redrum avec des rappeurs américains, français, africains et beaucoup de morceaux instrumentaux. Enfin je voudrais bien travailler avec une rappeuse africaine et faire un album avec elle.
Un coup de cœur à l’endroit de ceux qui vous lirons ?
Oui un coup de cœur pour les projets du réalisateur Jérémie Lenoir qui travaille en ce moment sur Foniké 3 avec des rappeurs de Guinée Conakry. On adore ce qu’il fait et on se retrouve complétement dans sa démarche artistique, elle nous guide et nous inspire. Et puis un coup de cœur pour Fils du Béton, un auteur/rappeur/beatmaker qui vit à Bordeaux. Il sera présent sur l’album de Art Melody. Il faut écouter ses albums et voir ses vidéos pour comprendre pourquoi on apprécie tellement son travail et son engagement. Enfin un grand respect à Camille sur Ouagadougou, fondateur du studio OuagaJungle.
Une conclusion ?
On attend un peu pour la conclusion, on vient juste de finir l’introduction !!!??!!
Sinon à ceux qui lisent cette interview, n’hésitez pas à nous écrire à tentaculrecords@yahoo.fr on vous enverra des morceaux de Art Melody, Joey le Soldat et WAGA 3000.