La rédaction d’Afrique.fr vient vous présenter une initiative qui mérite vivement d’être encourager. En effet depuis bientôt deux mois une jeune Marseillaise du nom de Quenny de mars, essai de donner du sens aux efforts de jeunes rappeurs à Conakry (Guinée), en initiant le projet de studio nomade ; Ce projet s’il vient à être financé permettra aux jeunes de cette ville d’avoir un nouveau souffle pour évoluer dans leurs carrières. Entretien avec la pétillante initiatrice du projet.
>Par Mensan Videha (Fo-mê)
1. Pouvez vous situez nos lecteurs par rapport à l’origine de ce projet de Studio nomade ?
Je suis partie en mai dernier à Conakry pour participer au tournage du documentaire « Foniké 2012 ». A cette occasion est né le projet d’enregistrer une compilation qui accompagnerait le film. Cela a été l’occasion pour moi de découvrir les petits studios de Conakry, de comprendre comment et avec quoi ils travaillent sur place. A ce constat s’ajoute les discussions que j’ai pu avoir avec les artistes locaux qui rencontrent des difficultés pour travailler. Avec des petits budgets (quand ils existent), il est compliqué d’avoir des sessions d’enregistrement satisfaisantes et de récupérer des sons dans des formats exploitables.
J’ai donc pensé qu’un studio mobile pourrait être une solution. Pas d’installation sédentaire, pas de charges fixes à payer…et tenter de concentrer le travail sur les choses importantes.
2. Plus qu’un projet c’est tout une organisation artistique que vous essayez de mettre en place aux côté des rappeurs guinéens, vous sentez-vous prêt pour cet aventure ?
Prête, oui… Le travail ne m’a jamais fait peur !!
Mon parcours passe par plusieurs d’aventures musicales en France, à des postes différents. Cela me permet d’avoir une vision globale du projet et surtout d’aller dans le sens de mes nouvelles envies : travailler ailleurs qu’à Marseille. En France, le Hip Hop est arrivé à une certaine maturité. C’est un grand garçon qui peut se débrouiller seul… Mais quand je suis arrivée à Conakry, j’ai pu prendre la mesure de ce qui existe déjà et de ce qu’il reste à faire. L’aventure promet d’être belle… Ici, le rap doit trouver ses propres sonorités, sa propre couleur et ce n’est pas peu dire !
3. Lorsqu’on s’investit dans un projet du genre, à quoi on peu s’attendre en tant qu’initiateur de meilleur ou de pire?
Mes ambitions restent modestes ! Je pense que le meilleur serait de pouvoir produire au moins un artiste pour un album grâce au studio. Mais ce qui me tient surtout à coeur, c’est les conditions dans lesquelles on pourra le faire. En prenant du temps, en réfléchissant à ce qu’on souhaite faire, en ayant une réelle direction artistique… et en formant simultanément des techniciens qui pourraient devenir autonome dans l’avenir. Pour le pire, je pense que ce serait que le projet ne trouve pas son financement. Mais une fois cette étape passée, je pense que le studio trouvera rapidement son utilité. Il est d’ailleurs déjà attendu avec beaucoup d’impatience !
4. Vous serez bientôt une future conakryka car vous avez décidé de passer trois (03) mois sur le terrain (Conakry) pour défendre ce projet, quelles sont vos stratégies pour recueillir le financement nécessaire ?
Finalement, je ne me pose plus de limites quant à ma présence à Conakry. Je resterais le temps qu’il faudra pour réaliser les projets qui trouveront leurs routes et leurs financements. Pour le studio mobile, j’ai commencé par lancer un appel à participation sur le site Ulule. Ca m’a permis de donner un cadre au projet et un système de réception des fonds qui est transparent. En parallèle, je cherche des mécènes qui voudraient bien investir en France comme en Guinée.
5. Pourquoi insistez-vous sur la mobilité du studio dans ce projet ?
Plusieurs facteurs ont pesé dans la balance. Mais le principal reste que sous cette forme le projet ne nécessite pas d’investissement sur des frais fixes. Pas de loyer à payer, de mobilier… S’engager sur un projet qui nécessiterait immédiatement des fonds pour son fonctionnement même avant d’avoir démarrer n’est pas une solution qui me semble adéquate. Puis à Conakry, le fonctionnement de l’immobilier étant ce qu’il est, je ne préfère même pas m’engager sur ce terrain. Ici, des studios classiques et de qualité existent déjà. Ils sont chers mais ils sont là !
Ce que j’imagine c’est plutôt un studio autonome, nomade avec du matériel léger mais de qualité. Je ne parierai pas sur le même projet avec un orchestre symphonique qui nécessiterait des prises de sons plus complexes mais sur du rap, on peut rester sur un esprit débrouillards et street !
6. Vous œuvrez depuis plus de 10 ans avec votre structure the B-SIDE, basée à Marseille (France) à la transmission de la culture Hip Hop, « Riche de sens, porteuse de liens sociaux, de rêves et d’imaginaire », selon vous. Ces valeurs sont ils importantes pour vous dans cette culture urbaine et implicitement pour ce projet ?
Elles restent essentielles ! En tout cas, c’est ce qui me motive chaque jour pour continuer à m’investir…
Je suis persuadée que nous devons toujours garder dans un coin de notre tête les raisons qui ont poussé à l’émergence du mouvement : le besoin de s’exprimer et d’exister. C’est bien plus qu’un simple mouvement musical. C’est un vrai mode de vie ! Le Hip Hop est un mouvement de création artistique et de conscience sociale.
Au fond, c’est ce que j’ai retrouvé en Guinée et qui me faisait un peu défaut en France… C’est aussi ce qui a déclenché mon envie de m’investir sur ce projet de studio autonome. Ici faire du rap, écrire des textes qui dénoncent la situation du pays ou même décider de devenir rappeur nécessite un réel engagement.
7. Pensez-vous que l’Afrique à une chance d’imposer sa musique Rap dans le monde ?
Je voudrais répondre « oui » immédiatement parce que qu’il y a de grands artistes sur le continent africain. Mais mon expérience me fait tempérer cette réponse parce que la circulation des créations sur le continent lui-même reste complexe et encore plus vers l’Europe ou ailleurs. Puis le marché mondial de la musique est actuellement saturé… du coup, ça rend les choses plus compliquées qu’elle ne l’aurait été il y a une quinzaine d’années, à l’apogée du mouvement Hip Hop dans le monde.
8. Vous avez plusieurs cordes à votre arc, vous êtes à la fois réalisatrice de films, conceptrice de projets, photographe, entre autres, pensez vous que ces qualités peuvent concourir au bon déroulement du projet?
Effectivement j’ai choisi d’avoir une formation artistique aux Beaux Arts parce que je faisais déjà des photos depuis plusieurs années. Puis j’ai continué vers la réalisation de films documentaires… mais simultanément, j’ai ressenti le besoin de m’investir sur des projets dont on me parlait, que je trouvais intéressants mais qui ne trouvaient pas leur voie. Du coup, j’ai plongé dans la gestion et le développement de projets culturels jusqu’à administrer, depuis 2001, une association qui travaille sur des actions qui vont de la formation à l’accompagnement d’artistes, de la production musicale et audiovisuelle à l’organisation d’événements. Je suis un peu comme un couteau suisse !!
L’avantage de connaître toutes les étapes d’un projet, de la première idée à sa concrétisation, est d’en mesurer ses possibilités de réalisation et d’imaginer quels chemins sont possibles pour le mener à bien. Mais malheureusement, même avec tout ces éléments, rien n’est jamais sûr… Chaque projet ne peut exister que grâce au bon vouloir des financeurs !
9. Pensez vous qu’il est possible à d’autres musiciens évoluant dans d’autres tendances musicales autres que le Rap d’enregistrer chez vous une fois que le projet arrivera à maturation ?
Evidement !! Le Hip Hop est ma culture, c’est la raison pour laquelle c’est toujours mon chemin privilégié. Mais actuellement, je travaille aussi sur un projet de film autour de la musique traditionnelle en Guinée… En fait, je suis une grande amoureuse de la musique ! Peu importe le genre tant que le cœur est là…
10. un dernier mot ?
Quoi dire de plus… ? Juste signifier peut être ma grande tristesse de constater que la Guinée fait partie de ces pays d’Afrique de « troisième zone » qu’on ne cherche pas forcement à soutenir. Elle ne fait pas partie des priorités. J’ai l’impression que les programmes de coopérations, de soutiens financiers sont moins important que dans certains pays frontaliers comme le Sénégal par exemple… Du coup, lorsque l’on souhaite développer des projets, il y a peu de portes auxquelles taper !
Soutenez l’initiative sur http://fr.ulule.com/conakry/
Les liens :
Notre site : http://www.thebside.org
Le projet Foniké : http://fonike.microscopik.com/