Il est l’un des pétillants acteurs dans le monde du spectacle au Togo, mais également un infatigable voyageur qui porte sur les routes du monde l’étendard du théâtre Togolais et Africain en général. La scène, il s’en ait approprié et en a fait sienne ; les mots, ils les placent avec ingéniosité et subtilité. Orateur impressionnant, conteur, humoriste, slameur, dramaturge, danseur, tels sont autant de qualités qu’on lui donne. Entretien franc avec David Ganda, qui nous parle de son dernier « One man chauve » et de son amour pour la scène.
1. Présentez-vous à nos lecteurs ?
Je me nomme David GANDA, je suis comédien, conteur, slameur, humoriste, nouvelliste, flûtiste…bref artiste des arts de la scène.
2. Finalement on a des difficultés à vous situer : conteur ? dramaturge ? ou slameur ? humoriste ? danseur (parfois sur scène) … Eclairez-nous.
Pour moi il ne doit pas avoir de frontière entre les arts. Quand on le sent on se lance et on se forme surtout. J’ai commencé certes par le théâtre légèrement avant 2002, après j’ai découvert l’humour en 2005, je m’y suis exercé ; ensuite je me suis formé en conte en 2007.
En 2009 j’ai croisé le slam qui influence mon écriture que ce soit le conte ou la nouvelle
3. Quels sont les motifs qui vous ont poussé à aller vers cet art scénique qu’est le théâtre ?
J’ai grandi à Nyékonakpoè, un quartier proche de l’ancien Centre Culturel Français de Lomé. Luc KINGLO, un grand frère du quartier m’amenait suivre beaucoup de spectacles de qualité. « Tchaka-tchaka », un conte théâtralisé a été le déclencheur. Dans ce spectacle les postures de Roger ATIKPO m’ont beaucoup marqué. Je me suis dit : je dois aussi faire du théâtre. Alors Luc KINGLO m’a enrôlé dans sa troupe : Dynamo. C’est le début d’une longue aventure.
4. Pour vous c’est important donc d’être polyvalent ?
Important ne serait peut-être pas le mot. L’essentiel c’est d’assouvir ses désirs, ses passions et ne pas se limiter. Pour moi l’art c’est la liberté, et quand je sens que quelque chose me plait et que j’ai envie de le faire, je me donne les moyens d’y arriver. Je mise beaucoup sur le travail. De toute façon c’est le résultat qui compte. C’est bon ou ce n’est pas bon. Encore que là c’est relatif. Tous les arts sont des canaux d’expression, de messages pour moi.
5. Nous avions connu au Togo un « âge d’or » du Théâtre dans les années 80-90 avec les Gaglo Atchina, les Beno Sanvee Alowassio, Azé koko vivina, entres autres, comment expliquez-vous finalement le regain d’intéressement pour cette forme d’art et pensez-vous que nos ainés aurait puis faire mieux pour perpétuer la flamme ?
Je ne jette pas la pierre aux ainés, au contraire. Ils ont donné l’envie aux jeunes de faire comme eux. Le seul problème est qu’on n’arrive pas à travailler ensemble, chacun attendant que l’autre vienne vers lui. Si les ainés ne viennent pas vers les jeunes, il faudrait que les jeunes fassent le pas. On a forcément besoin de travailler ensemble pour redorer la flamme du théâtre togolais. Ainsi depuis quelques temps la jeune génération de théâtreux d’ici et d’ailleurs pensent à redonner vie à la fédération des hommes de théâtre. Les tractations sont en cours. Nous avons d’ailleurs créé une page Facebook : Regroupement des comédiens et Hommes de Théâtre du Togo.
6. On vous a suivi entre temps à l’intérieur du Togo dans les diverses activités de stages et d’ateliers d’écriture, est-ce pour amener le public à justement s’intéresser plus au Théâtre ?
C’est un double objectif. Non seulement déclencher l’envie d’aller suivre du Théâtre chez le public mais avant tout partager un savoir-faire avec la relève, pour que le théâtre se perpétue.
7. Globetrotter et infatigable acteur, on vous voit presque partout sur les scènes de Théâtre en Afrique et en Europe. Le Théâtre Togolais ou Africain par ricochet à de l’avenir sur la scène internationale ?
Ah oui ! L’Afrique a une puissance culturelle énorme, un potentiel incommensurable. C’est l’organisation et les appuis qui nous manquent, surtout au Togo. La qualité des spectacles n’est plus le seul critère pour tourner son spectacle ; d’autres facteurs entrent en jeu, comme les relations, la renommée…
8. Vous êtes l’ingénieux créateur du spectacle « One Man chauve » expliquer nous un peu le concept et d’où vous êtes venu cette idée ?
Basé sur les techniques du Stand Up (spectacle comique au cours duquel un humoriste s’adresse au public de manière informelle, sans accessoires, sans costume, en racontant des histoires drôles, souvent inspirées du quotidien, assez courtes et sans interruption/ Wikipédia) , c’est un spectacle d’humour que j’ai écrit et interprété pour la première fois le Vendredi 06 Mars 2015 au Brin de Chocolat, lors du Brin d’humour No 1. C’est une autodérision avec beaucoup de métaphores sur des sujets d’actualité comme la liberté de circulation, d’expression, la désertification et l’érosion. D’autres thèmes s’y incrustent en guise de fenêtre. L’idée est née en 2013 à Ouaga, lors d’un festival d’humour (FIRHO) où j’ai fait un sketch sur les chauves. Certains humoristes m’ont dit à la fin d’en faire carrément un spectacle.
9. Est-il facile de tenir le public en haleine dans un one man show ? Quels sont les pièges ou sinon les difficultés à éviter quand on fait un spectacle pareil ?
Ce n’est pas facile l’art en général et l’humour en particulier. Ce qui fait rire quelqu’un peut faire pleurer un autre. Et puis l’adéquation : Quel spectacle pour quel public ? Se pose toujours. Dans One Man Chauve, je vise les adultes, c’est intellectuel comme spectacle.
Je pense que pour un spectacle d’humour, les chutes doivent être claires, les mots bien placés. Pas un de plus, pas un de moins. Le mot inutile doit être enlevé. Et il faut finir son spectacle quand le rire est au summum.
10. Le Togo a initié entre temps le fond d’aide à la culture, avez-vous des informations sur comment il est géré et si des artistes comme vous arrivent facilement à avoir accès à ce fond pour financer vos activités ?
Je déplore la gestion de ce fond et surtout sa répartition et son émiettement. Oui des artistes en bénéficient, de faux aussi. Je n’ai pas soumis de projets de toute façon. J’estime qu’on a besoin avant tout d’une salle de spectacle et ce fond devrait y servir. Il faudrait une enquête sur les besoins réels des artistes, et subventionner des projets culturels porteurs.
11. Comment évaluez-vous l’implication de nos Etats Africains dans la promotion de la culture ?
En dessous de 10, près du médiocre. On dirait qu’ils ignorent carrément l’existence de ce secteur pourtant créateur de richesse. Ils ont peut-être peur de cette arme puissante qui critique, enchante, distrait, embellit, guérit…Les Etats Africains doivent s’inspirer des autres qui l’ont compris depuis et établissent des budgets colossaux pour la culture et donc qui les enrichit en retour.
12. Panafricaniste ?
Oui ! Sauf que les pays les plus riches d’Afrique ne sont pas prêt pour. Point n’est besoin de revenir sur les bienfaits d’une véritable union. C’est loin à atteindre en Afrique profondément divisée, au sein d’un même pays l’ethnocentrisme règne encore, c’est dommage.
13. L’aventure musical RAS (chant et slam) que vous aviez initié avec Hodin Senyon, illustre bien ce côté éclectique que l’on vous prête souvent. Dites-nous ce qu’il en ait, elle continu ou c’est fini ?
Elle n’est pas finie, elle est juste en pause. Cette année des idées émergent mais ne se concrétisent pas encore, le temps faisant défaut. Mais RAS revient bientôt sur la scène musicale.
14. Que peut-on lire á travers le regard d’un dramaturge mais aussi un voyageur comme vous sur la jeunesse Africaine : Une jeunesse qui s’affirme ou qui cherche encore à se frayer son chemin ?
La jeunesse africaine est dévouée, battante, douée de potentiel, et courageuse. Il faut avoir un mental de plomb pour vivre en Afrique. Les issues sont bloquées mais la jeunesse se cherche et c’est positif. Il faut être entrepreneur, avoir cet esprit de créer quelque chose pour se démarquer et être solliciter. C’est peut-être le grand défaut qu’on a. On a peur du risque. La pauvreté est partout alors il ne faudrait pas imaginer que c’est l’ailleurs qui est meilleur ; là encore c’est relatif, puisque certains y ont réussi. Mais moi je dis que le même effort que tu fournirais pour réussir ici c’est le même que tu fourniras pour réussir là-bas. Il faut alors que la jeunesse, l’avenir de l’Afrique s’auto emploie. Pas de temps à perdre pour des futilités. Il y a tous les outils pour faire des recherches dans tous domaines : Bibliothèque, centre culturel, Internet…Nous ne sommes pas condamnés à l’échec : Kerry James.
15. Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?
Actuellement je prépare quelques interventions dans des soirées, et parallèlement la tournée de « One Man Chauve » que je joue le 28 Mai prochain au Goethe Institut de Lomé. Ensuite si tout va bien je m’envolerai pour l’Allemagne où je commence à établir un pont artistique. Au retour je dois participer à un workshop à Lomé qui devrait déboucher sur une création théâtrale. Et il y a quelques festivals en Afrique auxquels je devrais participer.
16. Un dernier mot à l’endroit du public ?
Je remercie tous ceux qui savent, reconnaissent et soutiennent le travail que nous faisons. Mes parents, mes amis, mes collègues artistes, toute l’équipe de Brin d’Humour (tous les 1ers Vendredis du mois au Brin de Chocolat). Tous les promoteurs culturels qui se donnent à fond pour hisser l’art togolais plus haut que le mât. Merci à l’équipe www.afrique.fr pour cette opportunité qui m’est offerte.
Extrait du spectacle « One man chauve »
https://www.youtube.com/watch?v=0MHe0GPNe1k
Suivez David ganda sur son site web:
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