A distance de 20 ans de la sortie de “Gito l’ingrat” le premier long métrage de l’histoire du cinéma burundais, le Co.Pro.D.A.C (Collectif des Producteurs pour le Développement de l’Audiovisuel et du Cinéma au Burundi), est sur le point de sortir “amaguru n’amaboko” le deuxième film long métrage 100% burundais et surtout le tout premier en kirundi, langue nationale du Burundi. “Amaguru n’amaboko”ou “les pieds et les mains” en français est un film de Roland Rugero choisi pour être techniquement soutenu par la Deutsche Welle Akademie (Allemagne) à travers le World Fund Factories, en coopération avec la Berlinale à travers un concours de scénario organisé par le Co.Pro.D.A.C.
Si jeune pourtant (en activité depuis Avril 2011 seulement), le Co.Pro.D.A.C qui regroupe 10 associations du secteur, commence par une grande et ambitieuse réalisation. Vu l’envergure du projet et surtout les carences en audio au Burundi, une formation en production s’imposait pour un meilleur résultat. A la fin d’une formation en production qui a duré deux semaines (une semaine en théorie et une semaine de pratique), Pascal Capitolin professionnel ingénieur du son, l’un des formateurs nous précise que les lacunes du son sont tellement communs pour le cinéma africain qu’on le rencontre même dans les productions avancées comme celles de Nollywood. En effet lors de la deuxième édition du FESTICAB 2011 le prix du meilleur son n’a pas été décerné à cause des lacunes audio des films présentés. Et sans une adéquate présence des voix, sans une adéquate dimension sonore il y a risque même de perdre le message et les sensations du contenu du film.
En plus, Pascal Capitolin preneur de son du film «Kinshasa Symphonie», souligne l’importance et la particularité de l’expérience qu’il vient de vivre au Burundi avec ce projet: «rencontrer une dizaine d’associations œuvrant ensemble sur un même projet («amaguru n’amaboko») dans un secteur où la compétition est si forte, est une première en Afrique». Le Co.Pro.D.A.C est une structure très rare en Afrique, une initiative qu’il faut absolument soutenir.
«AMAGURU N’AMABOKO» UNE HISTOIRE DE CORRUPTION…
2003. Orphelin à 11 ans, Tuguru est un jeune adolescent talentueux du ballon rond. Il se fait repérer par un ‘Blanc’, Laurent FRENCHY, juriste en agroalimentaire et membre de l’association de football de Vichy-en-Choix. Ce dernier promet au jeune homme de l’amener en France pour un stage au centre de football de son département. La nouvelle circule partout dans son quartier, il passe à la radio pour expliquer son prochain voyage, ce qui le rend très populaire. Habitué à la corruption, le chef de zone de Bwiza ainsi que les fonctionnaires du ministère de la Jeunesse et du Sport, tous aiguillonnés par l’oncle du jeune talent œuvrent en coulisse pour falsifier les documents moyennant de l’argent afin qu’une autre personne parte à la place du jeune Tuguru… Le coup monté se fera si discrètement que le jeune homme ne saura rien jusqu’à la dernière minute. Quand la vérité éclate pour la tutrice du jeune Tuguru, grâce à une association d’aide aux orphelins qui travaille avec le Ministère de la Jeunesse, il est bien tard: Tuguru s’accroche encore à un rêve qui s’est déjà envolé.
“Amaguru n’amaboko”, une histoire de corruption, ce phénomène qui “touche à des processus qui ont pris des années et des années pour s’installer “. Contrairement à ce que nombreux ont l’habitude de penser il ne s’agit donc pas d’un nouveau phénomène et il ne part pas des « hautes sphères », mais de nos familles, nous confirme Roland Rugero.
Quand deux «personnalités qui font avancer le Burundi» (selon l’édition spéciale 2011 du journal Iwacu) en la personne de Roland Rugero auteur-réalisateur et Papy Amani producteur du film, se rencontrent sur un même projet, le résultat ne peut qu’être prometteur. Wait and see.
En attendant impatiemment la sortie de ce chef-d’œuvre prévue pour 2012, nous avons rencontré Roland Rugero son auteur et réalisateur.
Roland Rugero auteur-réalisateur au milieu du film amaguru n’amaboko. Photo Adolphe B.
Adolphe B.: Journaliste culturel, auteur de romans (“espoir dans la littérature” selon l’édition spéciale 2011 du journal Iwacu), animateur et co-créateur du café littéraire, et maintenant vous vous attaquez au cinéma. N’est ce pas trop pour une seule personne?
Roland Rugero: C’est trop du moment que ce serait fait dans le but d’en faire beaucoup… Je pense que notre génération est à une époque extrêmement intéressante de l’histoire du Burundi, et que nous vivons des moments d’urgence : allons nous faire comme nos parents, ou pouvons-nous proposer autre chose à l’aune de leurs erreurs/ expériences? Dans un monde lui-même qui vit à vive allure (mutations sociologiques, technologiques, l’époque du haut-débit, …), dans l’urgence, nous devons agir, parler, proposer des débats, y participer, pour ne pas toujours rester à la traîne dans le concert des nations. C’est cette impression d’urgence qui peut faire qu’à un certain moment, on porte plusieurs casquettes à la fois. Mais, ne perdons pas de vue qu’avec l’âge, la prudence face l’aventure arrive. On se rend compte de plus en plus que l’on ne peut tout faire… Les autres prennent la relève, et le train continue.
Adolphe B.: Qu’est ce qui vous a poussé à écrire ce scenario? Vous qui êtes déjà romancier et qui êtes sur le point de publier “Baho” votre second roman, pourquoi avez vous choisi cette fois ci le cinéma comme moyen d’expression?
Roland Rugero: Parfois, les plus belles aventures ne commencent que par le hasard. J’avais écrit la première mouture de ce scénario en 2009 sur une idée originale d’un ami, devenu depuis animateur radio. C’était en pleine euphorie de la première Coupe du monde de football en Afrique, et l’histoire du personnage central de ce long-métrage en allait être un talent. Malheureusement, nous avons manqué de financement pour le tourner. Une année après, je l’ai proposé à Papy Amani, un jeune burundais très actif dans le cinéma (autant dans la formation que dans la production) et premier participant burundais à la Berlinale. Je lui ai proposé mon projet de film, et il l’a lui aussi trouvé intéressant. Sans moyens de financement, il l’a lui aussi déposé dans ses tiroirs. Quand est venu le concours proposé par la Deutsche Welle Akademie (Allemagne) à travers le World Fund Factories, en coopération avec la Berlinale, laquelle compétition a été soumise au Collectif des Producteurs de l’Audiovisuel et du Cinéma du Burundi- Co.Pro.D.A.C, nous nous sommes dit : « Pourquoi ne pas tenter? » Voilà où nous en sommes !
Papy Amani le producteur (en bleu) sur plateau à Buyenzi. Photo Adolphe B.
Adolphe B.: Pourquoi le titre “Amaguru n’amaboko”? Pourquoi “amaguru”, pourquoi “amaboko”?
Roland Rugero : «Amaguru n’amaboko», c’est l’histoire d’un jeune talent de football (-«amaguru» les pieds) qui se fait voler son rêve de joueur international par la corruption (-«amaboko»=les mains). Et ceci sous instigation de son oncle!
Adolphe B.: De ce film il en sort un pays hautement et profondément corrompu, un pays désastreux quasi irrécupérable ou inguérissable, le Burundi est il ainsi réellement ainsi selon vous?
Roland Rugero: Je pense que ce serait simpliste de déduire de ce film une pareille vision. Malheureusement justement, on aime la simplicité… Pour revenir sur mon long-métrage, il faut d’abord considérer le cadre-même de son lancement. Si tout se passe bien, «Amaguru n’amaboko» sera projeté pour la première fois en 2012, soit exactement 50 ans après l’Indépendance. Le long-métrage que je propose est un regard sur un aspect de la réalité d’un peuple, qui ne peut pas, bien évidemment réduit à une seule facette. Et de cette lucarne, je pose la question des valeurs : comment dans un pays où nous chantons tous les jours le « respect », « l’amour des siens », le respect de l’héritage de nos aïeux, en est-on arrivé à des cas où un père de famille vole la bourse d’un de ses neveux ? Je rappelle que la plupart des acteurs (burundais, tous) qui ont lu ce film m’ont dit : « Mais je connais cette histoire! » Des cas pareils sont donc nombreux dans la mémoire collective. Et face à nos 50 ans d’Indépendance (ou d’autonomie décisionnelle, dirons les autres), rappeler la question des valeurs est interpeller sur l’essentiel : quand il n’y a plus de sacré, que l’on ne respecte plus son enfant (neveu), quand l’argent devient roi alors que le respect du prochain devrait être la norme, il y a matière de s’interroger. Et il est urgent d’en parler, en utilisant un vecteur de débat jusqu’ici peu entraîné dans la fiction: le cinéma. Sinon, le Burundi reste une société riche, complexe, malade, mais avec ses beautés, aussi! Ce n’est pas pour rien que le film a été tourné en grande partie à Buyenzi…
Adolphe B.: “Amaguru n’amaboko” c’est du vécu ou il s’agit tout simplement d’une fiction?
Roland Rugero: C’est une fiction, de bout en bout. Mais la plupart des connaissances y retrouvent une histoire connue…
Adolphe B.: Dernièrement nombreux films produits au Burundi et qui circulent dans de nombreux festivals du monde affrontent ou présentent la face sombre ou obscure du pays.(La guerre, le conflit hutu-tutsi, la colonisation,..ici je fais surtout allusion à «Na wewe», «Histoire d’une haine manquée»,..). Et «amaguru n’amaboko» emboîte le pas des autres films en présentant à la face du monde un Burundi corrompu. A quand un film qui présente la face positive (la vraie face) du Burundi? C’est à croire qu’elle n’existe pas.
Roland Rugero: Je pense que «Amaguru n’amaboko» est un film destiné premièrement aux Burundais. Nous avons tenu à ce que la langue de jeu soit le kirundi. Des Burundais (ainsi que des non-Burundais) sont assez intelligents pour voir, savoir que tout le pays n’est pas corrompu! Il y a longtemps que nous n’existerions même pas… Mais certainement, à la vue de certains personnages, on sera emmené à s’interroger sur la place de la corruption (qui peut revêtir de très nombreuses formes) dans notre vie. C’est mon souhait. Si vous sous-entendez que le film développe des clichés du « Burundais corrompu », je vous comprends : toute œuvre d’art porte en lui le risque d’une caricature. C’est le risque majeur du métier. Enfin, le choix d’un « traitement de la face positive du Burundi » ne revient pas, en tant que tel, à un artiste. A un communicateur, oui. Une société n’avance pas parce qu’elle s’accroche à ses beautés, mais parce qu’aussi, elle sait se regarder dans un miroir et reconnaître ses petites tâches de laideurs… Je n’ai pas de prétention à être un communicateur donc. Et il y en a qui sont chargés de cela, ne vous en faites pas. Même si leur travail est souvent contestable : la preuve, il n’y a pas de film qui « présente la face positive du Burundi »…
Adolphe B.: Le film affronte le phénomène de corruption à tous les échelons, vu l’importance du thème dans l’actualité politique burundaise, est-ce que ça été facile de faire passer le projet auprès des autorités? Si non quels problèmes avez-vous rencontré?
Roland Rugero: Nous avons été présenter le scénario au Ministre en charge de la Culture, qui a accueilli le projet avec enthousiasme. Il était heureux que le film place au centre la jeunesse, avec un accent particulier sur les valeurs de notre culture… Nous avons été présenter aussi le scénario à la Police, pour avoir les autorisations de tournage, la sécurité sur les différentes sites de tournages, ainsi que des tenues policières exigées dans certaines scènes du film. Pour nous accorder tout cela, on nous a recommandé de revoir notre scenario pour préserver l’image de la police, engagée elle-même depuis quelques mois dans une phase de lutte contre la corruption. Sans hésiter, nous l’avons fait : «atagashotse, ntakinjira», nous conseille la sagesse burundaise.
En fait, le plus gros des soucis, nous les avons eu avec le Conseil National de la Communication, qui a suspendu le tournage une semaine et quatre jours après les débuts. Motif : une loi qui stipule que tout scenario doit être présenté au CNC avant tournage. Laquelle loi était tellement méconnue que nous avons dû nous rendre-même au siège du CNC pour de plus amples éclaircissements… Il nous a fallu près de deux semaines pour avoir l’autorisation de tournage. Mais on espère un débat sur l’opportunité de cette loi qui peut très facilement s’apparenter à la consécration de la censure. Mais ce détail sera saisi avec plus d’efficacité par les grandes structures de cinéma burundais comme le FESTICAB, ou le Co.Pro.D.A.C.
Adolphe B.: Quel rapport ya t-il entre vous l’auteur du film et le Co.Pro.D.A.C? Serait il juste de dire que «amaguru n’amaboko» est un projet Co.Pro.D.A.C?
Roland Rugero: Le film que nous tournons a été choisi pour être techniquement soutenu par la Deutsche Welle Akademie (Allemagne) à travers le World Fund Factories, en coopération avec la Berlinale à travers un concours de scénario organisé par le Co.Pro.D.A.C. Et j’espère fortement qu’il y aura pleins d’autres projets de cette plate-forme destinés à rassembler les producteurs de cinéma burundais pour mieux défendre leurs intérêts. Et, il faut le souligner: dans un secteur où la compétition est si forte, c’est une structure très rare en Afrique pour qu’il n’y ait pas de bailleurs pour soutenir de plan de développement à moyen et long terme… Et tout cela dépendra des producteurs burundais, de leur volonté de travailler en commun!
Adolphe B.: Le film affronte le phénomène le problème corruption, sans toutefois proposer clairement une solution ou une voie de sortie. Pourquoi? Quels seraient les solutions selon vous au de-là de celles envisagées par la loi ou l’appareil étatique? Ne croyez vous pas qu’il faudrait surtout changer de mentalités?
Roland Rugero: C’est l’éternel prisme de vue de l’artiste si cher à l’opinion burundaise (et ailleurs aussi, peut-être): puisqu’il pose souvent des questions, à l’artiste de proposer des solutions. Je dis très rapidement non! Car, souvent, les solutions aux problèmes que nous soulevons sont d’ordre politique. N’ayons pas cette prétention de le devenir. Très concrètement, avec «Amaguru n’amaboko», j’offre c’est vrai un regard sur le délabrement de valeurs ( corruption, mensonge, …) en prenant soin de montrer que tout cela ne part des « hautes sphères » comme on a l’habitude de le penser, mais de nos familles! Et peut-être, la solution au problème est à chercher de ce côté-là. Et soyons clairs: nulle solution ne pourrait avoir d’effet global s’il n’est envisagé par un discours politique authentique (c’est à dire qui allie l’argument/la communication à la loi et à la sanction). Le changement de mentalités, nécessaire, est un processus de longue haleine, inscrit dans le temps, et qui touche à ce que l’État a de plus précieux pour modeler la société: la culture. Et, pour être aussi un journaliste culturel, j’observe des détails clairs qui me laissent penser qu’on y est, au Burundi, dans ce « remodelage » de notre culture…
Adolphe B.: Non seulement vous êtes l’auteur du scenario de «Amaguru n’amaboko» mais vous en êtes aussi le réalisateur. Parlez nous de cette première expérience. Est-ce une expérience revivre prochainement? Quels sont vos projets pour l’avenir?
Roland Rugero : Ce fut une expérience dure, très dure parce qu’elle appelle à être sûr de soi, à s’imposer. Sinon la vie du plateau devient une anarchie, où les voix se corrompent dans un brouhaha qui détruit le tournage. Mais grâce aux encouragements des uns et des autres (et j’avais tenu à signaler à tout le monde que j’étais un novice en la matière), et surtout aux conseils de Papy Jamaica, mon producteur, de Pascal Capitolin, responsable de l’équipe son, ainsi que de Jean-Marie Ndihokubwayo, Directeur de Photographie (http://www.afrique.fr/tourisme/burundi-jean-marie-ndihokubwayo-l%E2%80%99homme-derriere-la-camera/), j’ai pu vraiment intégrer la peau d’un réalisateur après quatre jours de tournage. Maintenant, ça va. A revivre ? Je ne sais pas. Mais sûrement, des projets d’autres films peuvent apparaître. Et il y a des pistes de réflexion, notamment sur des sujets moins lourds…
Adolphe B.: «Amaguru n’amaboko» n’épargne presque aucune catégorie sociale de ce «fléau» de corruption. Tout le monde est coupable? Si oui personne n’osera donc jeter la première pierre?
Roland Rugero: Tout le monde n’est pas coupable. Mais tout le monde est interpellé! Et dans cette histoire de corruption, qui touche à des processus qui ont pris des années et des années pour s’installer (souvent, on en fait inconsciemment la caricature de réduire le phénomène de la corruption au pouvoir actuel), qui ont nourri et font subsister des familles entières; en d’autres termes, face à un phénomène de société, il faut éviter de dire: » Tel mérite de jeter la pierre sur les autres! » La seule personne qui est appelée à jeter la première pierre et même la dernière, à ceux qui usent de la corruption, c’est la loi. Soyons donc les serviteurs obéissants de la loi et le reste viendra.
Adolphe B.: A quand la sortie de «Baho»? Quelques anticipations à propos de votre second roman?
Roland Rugero : Mon second roman paraîtra vraisemblablement au début de l’année prochaine. Il offre un regard sur la question de la justice populaire, dans un langage de cœur et de mémoire que je voudrais être le plus proche du kirundi… Il est essentiel que nous apprenions à parler de nous, les Burundais.
Adolphe B.: Merci pour l’entretien.
Roland Rugero: Merci à vous, de vous intéresser à notre travail. Comme disait l’autre, Vive le Burundi!
Propos recueillis par Adolphe BIREHANISENGE.
http://twitter.com/#!/Adolpheb
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une chose que je comprenne pas pourquoi toujours les veterant en cinéma travail trop plus que les professionnel et que au lieu de les faire avancer on les minimise et aussi c’est pas toujours la coprodac le netty ou l’itulive ou autres maison pro qui travaille mais je sais trop de maison qui travail pour vous faire avance mais vous,vous les décourage. aide les soyez là pour eux, mes amis soyons pas égoïste mais oublie pas le dicton burundais « TUBIRI TUVURANA UBUPFU ».