» Je m’appelle Julien Serru, j’ai aussi un pseudonyme que j’utilise fréquemment Eagleof. Difficile de pouvoir se définir soi-même… Je suis un jeune qui croit peu en l’inné et beaucoup en l’acquis car l’acquis peu se développer incroyablement, les capacités intellectuelles de chacun peu importe son origine, sa culture sont exceptionnelles. Ainsi je me lance donc dans des activités assez variées afin d’acquérir des compétences qui m’intéressent tout en tentant de rester professionnel dans chaque domaine. Je suis infographiste, président de DM Business Club, manager de Moamoina, co-créateur de marques de vêtements en cours de création … Par rapport à votre interview, j’écrits, depuis 2001, de temps à temps, des articles culturels ou contre les discriminations, j’ai été reconnu dès le début par un prix pour un article sur la résistance durant la seconde guerre mondiale. En quelque sorte que ce soit par mes projets ou mes recherches au sujet de différents thèmes j’essaye de m’émanciper de beaucoup de choses (structures préexistantes, propos souvent tenus dans les médias, idées reçues …) afin de pouvoir dans un certain sens – mourir en homme libre – en espérant que mes futurs enfants soient des personnes mieux que ce que j’aurai été. »
>Par Mensan Videha (Fo-mê)
1. Lorsqu’on évoque le thème de la discrimination que vous vient-il tout de suite à l’esprit ?
Le manque de dialogue. Tant que les gens ne dialoguent pas ensemble ils ne voient pas vraiment les points en communs qu’ils peuvent avoir avec d’autres et peuvent difficilement voir que souvent les différences sont une force afin d’apprendre les uns des autres. Dans le cas de discriminations touchant les femmes ou les personnes ayant un handicap il y a je penses un manque d’écoute des institutions. Comment se fait t-il que beaucoup de lieux même publics ne sont pas accessibles aux handicapés ? Les soucis de communication existent de tout les temps, on peut le voir dans l’histoire de Cain et Abel, les deux hommes se parlent puis sortent dehors s’en suit un silence et Cain tue Abel. Certains acceptent l’autre sans vraiment le connaître bien entendu cela est très positif mais j’encourage les personnes à se côtoyer, car cela permet à tout à chacun d’évoluer. Moi ce qu’il me vient aussi à l’esprit quand l’on parle de discriminations, ce sont aussi des cas où ils existent de beaux points en commun. Parfois quand je prends les transports parisiens ou quand je suis dans un magasin ne serait-ce quand regardant une femme accompagnée d’un enfant peu importe son origine, sa culture, on peut voir l’instinct maternel qui émane d’elle et la lie à son enfant. Je trouve cela intéressant que quelque chose de fondamentale comme cela nous relie, le fait de tenir son enfant par la main, fouiller dans son sac pour lui donner à manger, l’appeler par un surnom affectif, …
2. Quelles sont selon vous les différentes formes de discriminations qui sont légions ?
Je ne ferai pas vraiment de différences entre les formes mais plutôt entre l’état d’esprit qu’il y a derrière … ou plutôt le manque d’état d’esprit qu’il y a derrière. J’en vois trois différentes, la discrimination consciente, inconsciente et stratégique. La discrimination consciente est pour moi les propos ou actions où la personne responsable croit à une supériorité de certains individus sur d’autres, elle est la forme la plus reconnue du grand public, on pourrait aussi l’appeler « discrimination idéologique ». La discrimination inconsciente peut être considérée comme la moins pire mais très ancrée dans les têtes, elles est faite de petites phrases anodines où souvent la personne ne se rend pas compte qu’elle vient de commettre une discrimination, exemple : à un homme africain, « J’ai des bananes … et aussi d’autres fruits ». La stratégique est une peu reconnue mais que j’ai constatée en travaillant sur les massacres du Darfour où victimes et coupables étaient musulmans, noirs, habitants un même pays. J’ai compris alors qu’afin d’arriver à voir les victimes comme inférieures à eux, les personnes qui les massacraient « augmentaient » les différences nomades/sédentaires et teint de peau légèrement différent. Je me suis aperçu alors que cette discrimination stratégique a souvent existé dans l’histoire, on grossit les différences afin d’arriver à asservir l’autre, le tuer, le marginaliser. Le but de cette discrimination est, pour ceux qui la pratiquent, qu’elle devienne une discrimination consciente ou idéologique.
3. Pourquoi luttez-vous contre ce fléau ?
On dit souvent que la mort tient à peu de choses mais je pense que la naissance aussi ne tient qu’à un fil. Et que donc la chance d’être né, de vivre entouré de monde, en bonne santé, c’est devoir un peu au plus grand nombre. Certains font de grandes choses, cherchent un vaccin contre une maladie, un remède contre la faim dans le monde moi je fais des choses à ma petite échelle j’écrits de temps en temps des articles culturels. Je pense que j’ai été influencé en apprenant la vie de Camus et de Frantz Fanon. Ils ont en commun d’avoir épousé des causes qui n’étaient pas les leurs à la base quoique un souci entre des hommes et l’affaire de chaque homme par extrapolation. Ils se sont levés pour prendre part à ces combats comme si se rattacher à vaincre de fortes injustices était vital pour eux. J’ai toujours trouvé cela assez fascinant. Albert Camus a beaucoup écrit au sujet de la guerre d’Espagne de Franco, pendant la seconde guerre dans le journal résistant Combat, a dénoncé l’utilisation de la bombe nucléaire, la guerre d’Algérie. Frantz Fanon a quitté sa terre natale définitivement pour s’opposer aux colons et à la torture durant la guerre d’Algérie. Je profite de cette question pour vous dire que certains disent de moi que je suis « un citoyen du monde ». Cette expression me déplait car la citoyenneté est le lien entre les individu et les institutions, tandis que comme chacun face aux institutions internationales je n’ai aucun poids et à part la cour pénale internationale quand elle punit un dictateur je m’intéresse peu à ces structures. Et surtout je n’appartient pas à ce groupe de personnes qui pour grossir le trait, mange un soir cinq nems et regarde le lendemain un reportage sur un pays africain et se disent « citoyens du monde » dans le sens où ces individus prétendent connaître suffisamment le monde. Au final ils commettent des amalgames. Le monde est bien trop vaste, restons sérieux. Je préfère me dire « jeune francilien ouvert d’esprit » dans le sens que l’environnement, dans lequel on évolue, a de l’influence consciemment ou inconsciemment sur ce que l’on est. Moi je vis en Ile de France et la plupart des personnes avec qui je discute y habitent. Aussi, me déterminer par un lieu cela à un sens, pour me rencontrer, il est plus simple que cela est lieu sur Paris et ses alentours.
4. Quelles sont les actions que vous menez pour lutter justement cet état de chose ?
Je conçois qu’il faut des actions le poing levé et de temps en temps « un peu énervées » pour faire changer les esprits, mais je préfère encourager un développement personnel afin de mieux accepter l’autre. Il est très bien de voir un documentaire de lire un livre au sujet d’un fait réel, de l’étude d’un comportement. Mais on ne voit alors que le résultat de quelque chose qui il est vrai peut nous faire évoluer mais dont le travail caché derrière (recherches, réaliser des tournages, se mettre à écrire …) a permis de faire avancer humainement parlant la personne qui est derrière le projet. Comme vous avez pu le comprendre précédemment, comme actions, j’ai choisi d’écrire des articles et actuellement je me mets à écrire des nouvelles inspirées de faits réels. Je remercie les gens qui lisent mes écrits et j’espère pouvoir en convaincre certains de faire le même cheminement : s’intéresser à un sujet, faire des recherches, développer des capacités (filmer, écrire …). Par exemple mon article au sujet de Martin Luther King peut être lu en une vingtaine de minutes mais le travail qu’il m’a demandé est supérieure à une cinquantaine d’heures et m’a permis d’améliorer mon écriture en même temps que j’ai acquis de nouvelles connaissances. Parfois, il suffit d’écrire un article décrivant une culture pour que les lecteurs de cet article aient moins d’idées reçues sur cette culture. Ecrire est le chemin que j’ai choisi. Par le passé, j’ai parfois distribué des articles gratuitement dans la rue car d’un côté elle doit permettre de faire vivre ceux qui y participent mais d’un autre côté des gens ayant peu d’argent doivent pouvoir y avoir accès. Difficile dualité entre les deux.
5. Votre engagement contre la discrimination revêt d’une raison particulière ou c’est juste un effet de mode ?
C’est avant tout l’envie d’écrire qui m’a motivé par la suite j’ai choisi des causes engagées plus avec raison qu’avec passion. Un engagement plus avec raison car je proposes des articles alors que si j’écrivais surtout avec passion j’aurais plus tendance à vouloir imposer à des personnes de les lire et d’accepter ma vision des choses. S’engager avec raison me permet de prendre de la distance avec mes écrits et d’accepter plus facilement les critiques négatives que ceux-ci pourraient suscités. Paradoxalement, je suis pour certains la personne qui jugent la plus engagée et en même temps je ne fais pas parti de ceux qui sont les plus vindicatifs et encore moins de ceux qui crient le plus fort. D’ailleurs parfois cela me vaut d’être incompris comme par exemple lorsque j’avais déclaré que les partisans d’un dictateur sont parfois les victimes également du système. On ne peut pas les juger sans avoir conscience que dans leur environnement ils peuvent subir la propagande, que peut être les rebelles opposés au gouvernement ont tué par erreur un des leurs, que d’autres raisons peuvent exister. Il faut avant de juger comprendre dans quelles circonstances les individus vivent … Quoiqu’il en soit j’essayes toujours de tempérer mes phrases, tout n’est pas toujours complètement positif ou négatif, cette vision des choses me permet d’être réellement engagé à mon sens car engagé avec plus de justesse vis-à-vis des éléments et des faits que certains.

Couvertures des nouvelles déjà publiés_les afro- métissage injustement méprisé_Mater Luther King (des mots contres les maux)_Culture Navajo/ artwork Eagloff
6. Le métissage culturel est il selon vous la solution pour palier à ce phénomène ?
J’aime bien votre expression de métissage culturel car c’est celui-ci dont je parle quand je parles de métissage. Le métissage culturel est selon moi un individu, dont les parents peuvent avoir la même origine, qui vit au moins entre deux cultures dont il maîtrise au minimum les fondamentaux. Il ne faut pas oublier que la culture est acquise et pas innée, il faut l’apprendre, la partager pour qu’elle persiste. Ma vision des choses ne correspond donc pas à ce que l’on voit dans les médias où un enfant, dont les parents ont différentes origines, est considéré comme métis. La culture n’est pas innée, il faut la vivre, se documenter, partager avec ceux qui la maîtrisent. Malheureusement beaucoup à force de trop croire le contraire ne connaissent pas vraiment leurs cultures. Ce métissage dit de « l’enfant métis » surmédiatisé n’est pas une lutte contre les discriminations. En effet il arrive qu’un noir sur une idée reçue que les africaines « aiment trop l’argent » se met en couple avec une blanche tandis qu’un blanc, pensant les blanches trop exigeantes, se met avec une femme venue d’ailleurs. Donc ce métissage n’est pas forcément la fin des discriminations. Ce métissage n’est pas un effet de mode comme les médias le montrent on nie qu’avant il existait des personnes issus de ce type de métissage. A cause de l’idéologie des races, les personnes ayant joué un rôle dans l’histoire ont souvent été blanchies, par exemple les empereurs romains Septime Sévère et Caracalla étaient des « métis », des personnes de couleur ayant été au plus haut poste de Rome. Puis de toute façon, peut-on sérieusement parler de métissage dans le cas d’individus ayant différentes origines puisque nous tous sommes issus d’une même espèce peu importe nos couleurs de peau ? Le métissage culturel dans le sens auquel je l’entends revêt de l’intérêt d’un individu pour différentes civilisations mais ne nous indique pas qu’il accepte toutes les cultures donc même ce métissage n’est pas forcément une lutte contre les discriminations touchant les différentes origines. Exclusivement la critique des préjugés, la dénonciation des idéologies racistes constituent réellement la lutte contre les discriminations, je penses.
7. Avez-vous l’impression que vos divers combats contre la discrimination rencontrent un écho favorable auprès de vos concitoyens ?
Pas du tout (rires). Je plaisante. En réalité je trouve que mes textes sont peu connus du grand public, je suis encore très peu souvent médiatisé. Cependant, j’ai eu la chance d’avoir eu, plus jeune des textes écrits seul et avec des amis diffusés dans un journal régional puis un prix, le concours national de la résistance et de la déportation pour un texte au sujet de la seconde guerre mondiale, par la suite des passages dans des radios (Africa n°1 et Fréquance Paris Pluriel) m’ont cependant mis en lumière. En tout cas, la plupart de ceux qui m’ont déjà lu apprécient ce que j’écrits. On peut estimer que facilement plus de 40 000 personnes différentes ont déjà lu un texte de moi. Quand j’y penses, je suis assez partagé entre le fait de vouloir être plus médiatisé afin que mon travail soit plus connu et celui d’aimer le côté qu’écrire me met dans l’ombre et me permet de prendre de la distance avec tout cela. Avec le recul j’ai l’impression que j’aimerai que mes textes soient très médiatisés mais pas moi. Ce qui est paradoxal puisque eux et moi-même sommes liés (rires). Par contre j’ai remarqué que le grand public était de plus en plus dur à satisfaire, mes textes sont de plus en plus éphémères ce qui est logique puisque les gens lisent de moins en moins. Avant on me parlait encore d’un texte même plus de six mois après sa publication maintenant un de mes textes a difficilement un trimestre de vie. Si cela me permet de redoubler d’effort et me permet de d’améliorer mon écriture, cela est plutôt positif … Je profite de cette question aussi pour remercier ceux qui lisent mes textes, ceux qui prennent de leurs temps pour les critiquer en bien ou en mal.
8. Peut on espérer voir totalement disparaitre ce phénomène dans nos sociétés ?
Malheureusement il y aura toujours des préjugés inconscients dus au fonctionnement de notre cerveau. Surtout dans l’environnement où je vis, l’île de France, dès que l’on sort dehors il y a énormément de monde et notre cerveau fait des analyses rapides de tout ce que l’on voit sons, affiches publicitaires, chemins empruntés par des voitures et … hommes et femmes. Comme on le sait toute analyse rapide sur un homme ou une femme aboutie à des préjugés positifs ou négatifs. Pour ce qu’il y a des autres formes de discriminations elles reculent peu à peu à mesure que le monde réduit de taille, les trajets de plus en plus rapide, internet qui est devenu un média très ouvert au grand public du monde entier, les chaînes internationales comprises dans des offres internet … Mais je ne penses pas malheureusement que la discrimination idéologique disparaîtra un jour, l’ego des hommes étant si fort certains continueront toujours à se flatter qu’eux même et ceux qui leur ressemblent le plus soient supérieurs à ceux qui leur ressemblent le moins. La discrimination stratégique aura toujours injustement des beaux jours devant elle puisque quasiment à chaque fois qu’un conflit éclate entre des individus certains s’efforceront de voir les autres plus différents qu’ils ne le sont afin de pouvoir plus facilement s’en prendre à eux.
9. Pour ceux qui veulent approfondir leurs connaissances par rapport à la question, avez-vous des liens, des livres, des romans ou autres didacticiels pour nos internautes ?
Je ne citerai pas exclusivement ceux qui luttent contre les discriminations, aussi ceux qui valorisent la condition humaine, les deux sujets étant à mon sens très liés. Je pourrai citer des personnalités dont j’ai une vue d’ensemble (lecture d’un livre, une petite biographie …). Mais avec une vue d’ensemble on ne maîtrise pas vraiment les détails hors ils comptent quand on les conseille à quelqu’un comme des modèles. Je préfère donc citer des personnes dont j’ai beaucoup lu au sujet de la vie qu’ils ont mené et de une bonne partie de leurs œuvres, qu’ils soient des personnes connues ou qu’ils soient des individus que j’aimerai être plus connus du grand public. Mes références que je vous citerai sont Albert Camus, un homme engagé dans beaucoup de causes et grand écrivain, André Malraux, un homme opposé au colonialisme, à la guerre d’Espagne et à qui on doit de supers discours, Martin Luther King, un apôtre de la non violence, aux discours extraordinaires, Gandhi, un libérateur sans armes d’un pays qu’il a permis de décoloniser … Pour ce qu’il y a de personnes moins connues que je côtoies je pourrai vous en citer des nombreux : Melina Seymour Gradel, une journaliste qui met en lumière des personnes très intéressantes, Guy Gore pour ses courts-métrages, Moamoina un artiste de musique militant pour le rapprochement des hommes, Yao Metsoko, un peintre/sculpteur, pour ses questionnements au sujet de l’humain dans son art, Eder Silva Martins qui écrit des textes très humanistes, Phillipe Lévèque, le président de Care France, Beta Simon et Pablo U-wa deux reggaemen très engagés ainsi que Poclain Musila (radio FPP) … Je pourrai encore en citer des nombreux. Promis un jour, je publierai une longue liste de tous (rires). Comme livres je citerai ceux dont j’ai encore des passages entiers dans mes souvenirs, les derniers que j’ai pu lire : Le premier Homme de Camus (fiction humaniste en rapport avec la vie de Camus) et Dites-leur que je suis un homme de Ganes (sur la peine de mort d’un jeune afro-américain pendant la ségrégation aux Etats-Unis).
10. Un mot de fin ?
Puisque la richesse est intérieure, soyons des aristocrates malheureusement souvent sans argent mais avec du sang royal dans les veines. Je récapitule aussi mes articles disponibles que je continue à faire circuler : La culture navajo, une culture en voie d’extinction ; Vers une philosophie populaire (la version courte de mon article) ; Martin Luther King, des mots contre les maux ; Les afro argentins, un métissage injustement méprisé. Aussi n’hésitez pas à me les réclamer et à m’ajouter sur facebook : www.facebook.com/julien.serru. J’y accepte tout le monde bien entendu et je prends le temps de répondre à chacun.