Au Burkina Faso, pays des hommes intègres, il n y a pas que les étalons (ndr : nom de l’équipe de football finaliste de la CAN 2013) ou le luxuriant Ouaga 2000, le nouveau quartier très moderne, nouvellement construit avec ses échangeurs ; il y a aussi le rap électro funk de Art Melody. Cet artiste issu d’un des quartiers pauvres et mal équipés de Ouagadougou (waga 3000) est une figure de proue de la rapologie burkinabé, un véritable héro, un porte-parole de la jeunesse burkinabé laissé pour compte. Ses textes engagés, abordent sans concession les thèmes de la corruption et des injustices dont il est témoin au quotidien, des relations nord-Sud.
Le MC n’est pourtant pas à son premier coup d’essai, il a déjà à son actif deux albums : Art Melody (album éponyme 2009 ) et Zound zandé (la déglingue 2011). Le 06mars 2013 sort enfin son troisième album WOGDOG BLUES très entendu du publics et déjà annoncé par deux singles, Yamb Sabaab et Future qui ont déjà gagné le cœur des milliers d’internautes qui eut le privilège de les écouter.
> Par Fo-mê Videha
Nous connaissons art Melody pour sa capacité à rapidement se fondre dans les rythmes électro – hip hop et traditionnels Mossi et dioula.
2011 a été pour nous l’année où on l’avait le plus connu à travers son album Zound Zandé, largement diffusé sur RFI , ceci même si les média locaux au Burkina Faso refusent sciemment de le jouer, souvent, non pas par pure méchanceté, mais surtout par peur d’une certaine représaille de la part du pouvoir politique en place, réfractaire à une musique qui éveille la conscience populaire. La « Masse » , puisque c’est d’elle qu’il s’agit , doit rester confinée dans la « démocratie orientée » et taillée sur mesure du plus médiateur des dictateurs de l’Afrique contemporaine, Blaise Compaoré. Non, il ne s’agit pas d’une attaque personnelle ou d’un règlement de compte envers l’autorité Burkinabé, mais lorsqu’une minorité s’entête à garder le pouvoir au détriment de la masse populaire de plus en plus démunie, ça donne WOGDOG BLUES, lorsque la justice est à deux vitesses et que arbitrairement certains citoyens sont arrêtés et croupissent en prison alors que les vrais criminels circulent en toute liberté, ont chante WOGDOG BLUES.
Cette injustice l’artiste le ressent aussi profondément dans sa chaire lorsqu’il explique : « en Afrique les gens ont faim. C’est la cause de nos problèmes, la base de tous les conflits. Les plus forts exploitent cette misère et les autres tombent sans jamais se relever. Si nous n’agissons pas, les terres africaines vont disparaître, vendues aux plus offrants et dépecées comme un poulet. Ici on mange même les os.»
On peut beau essayé de « chasser le naturel, il revient au galop », ce que les mécènes Burkinabé évitent de promouvoir, l’association Bordelais Tentacule-R l’accomplit avec plus de dextérité et de modestie en s’associant aux beatmakers Redrum (qui a l’habitude de créer les architectures sonores des albums Art Melody) et Minimalkonstruction qui ont réussi l’alchimie de fusionner les beats électro Hip Hop aux instrumentaux traditionnels Burkinabé. Le résultat est époustouflant ! Voyez en vous-même : la présence du rappeur High Priest, du groupe avant-gardiste new-yorkais Anti Pop Consortium , de Walter Kibby du groupe Afro Punk de Los Angeles Fishbone, mais aussi Ousmane Zaré de Waguess Family, groupe pionnier du Hip Hop au Burkina Faso ou le rappeur français Fils du Béton, donne un cachet spécial à WOGDOG BLUES.
Outre ces diverses collaborations, l’album a été masterisé par Dave Cooley à Los Angeles, collaborateur régulier du label Stones Throw (Madlib, J Dilla, Dam Funk) et plus récemment de Spoek Mathambo. Le Clip du morceau Future, lui a été réalisé par le réalisateur français Jérémie Lenoir des films Foniké (Guinée Conakry) et Doto Silence (Togo). Répondant à toutes ces collaborations dont il est le principale point focal, Art Melody déclare «Je me retrouve complètement dans leurs démarches artistiques, regarder les grands Orchestres d’Afrique de L’Ouest de l’époque des Indépendances (1960-1970), ils jouaient du Rock, du Blues et du Funk. Ma démarche est la même. Ma musique n’a pas de frontières, ni géographiques, ni temporelles. Je veux tout explorer. Je regrette que notre culture soit obligée souvent de devoir aligner des clichés ou de se justifier pour se vendre alors que les artistes occidentaux peuvent tout se permettre. C’est ce que j’ai voulu dire avec cet album. J’irai plus loin la prochaine fois encore».
WOGDOG BLUES est composé de 15 titres et est à consommer sans modération.
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